« Faire gagner l’abstention c’est faire perdre la démocratie. A moins de 200 jours de la prochaine élection présidentielle, la sortie du chef du gouvernement Jean Castex fait échos, étant donné la menace de l’abstention qui pèse sur cette prochaine échéance. Toutefois le président de la république sortant Emmanuel Macron est placé en tête des sondages, au coude à coude avec une liste pléthore de candidats.

En revanche, l’épouvantail abstentionniste reste une menace pour chaque responsable politique, car elle sous tend une augmentation de la méfiance et de l’acrimonie envers la politique. Le régime démocratique fort de nobles promesses, caractérisé par une résilience éprouvée par le temps, peut-il connaître sa fin en l’absence de remise en question et l’introduction de plus de démocratie participative ?

 La démocratie, en mal de démocratie participative ?

La démocratie, étymologiquement issue des mots grecs démos et cratos, signifie littéralement pouvoir au peuple. Elle est un système politique dans lequel le pouvoir est l’émanation d’individus. Ceux-là n’ayant comme aucune autre caractéristique que leur citoyenneté. Par essence, la démocratie est la manifestation de l’implication des gouvernés sur les décisions des gouvernants.

De l’Athènes antique de Platon à la démocratie représentative de nos jours, le régime démocratique a su perdurer dans le temps tout en connaissant de nombreux soubresauts. Toutefois aujourd’hui la démocratie rencontre une crise de représentation politique manifestée par une forte abstention.

Lors des dernières élections en date l’abstention a atteint un niveau record soit 67% au premier tour. Les candidats gagnants sont pour la plupart anciennement élus tel que la présidente de la région Île-de-France Valérie Pécresse. Et ceux en faisant face à une forte contestation et une multiplication des candidatures adverses.

Au vu du contexte actuel, tout laisse à penser que la prochaine échéance électorale connaîtra des forts taux d’abstention. Cette crise de représentativité s’apparente à un désintérêt pour la vie politique.

Le désintérêt se caractérise par une défiance grandissante vis-à-vis du pouvoir établi et du système politique en général. Le reproche le plus récurrent est le manque de reflet des dirigeants politiques vis-à- vis des citoyens dans leur quotidien . Les politiques semblent loin, inaccessibles et peu préoccupés par les intérêts les plus communs.

Bon nombre des électeurs considèrent la vie publique comme peu importante et 32% des abstentionnistes aux élections régionales déclarait “ ne pas avoir la tête à ça » pour expliquer leur absence aux urnes.

Réaction tweet Jean Castex

Les internautes répondent au tweet de Jean Castex.

 

D’autre part, 28% des abstentionnistes du second tour confiait vouloir marquer leurs mécontentements envers la classe politique à travers leur absence aux urnes.

Par conséquent, l’abstentionnisme se présente comme l’addition du désintérêt évident des citoyens pour la politique. Il est aussi un geste de désapprobation de la vie politique et de ses représentants. Au regard de ce constat, la démocratie antique et les ambitions des lumières semblent être remises en question. Voire même écornées.

C’est avec pour objectif de porter secours à cette démocratie stigmatisée par une abstention lancinante que de nombreuses propositions sont avancées .Certaines avec l’idée d’établir une nouvelle constitution, d’autres en introduisant plus de démocratie participative. Toutes ces options ont pour objectif de permettre aux élus de mieux cadrer avec les attentes du citoyen.

Globalement chacune des solutions qui s’inscrivent dans le champ démocratique poursuivent un objectif. Celui d’accentuer la prise en compte de l’avis du citoyen sur les décisions qui le concerne. Bien avant la remise en cause d’un système politique. C’est avant tout la place donnée à la parole citoyenne qui est questionnée.

 

 Une démocratie 2.0 à l’ère du nouveau monde ?

De nombreuses solutions d’amélioration des rapports entre citoyens et politique émergent. Parmi elles se trouve la mise en place de consultations citoyennes par le biais de la technologie. Ces consultations n’ont pas de force juridique ou contraignante. Mais elles permettent toutefois de mettre en avant l’avis des citoyens.

En somme, la consultation citoyenne permet de donner la parole aux habitants des communes et de rééquilibrer les rapports en les rendant plus horizontaux. Les consultations citoyennes peuvent être effectuées à tout les niveaux de l’Etat et pour tout type de sujet. Les technologies citoyennes ajoutent de la démocratie participative dans la vie des communes. En contournant les obstacles rencontrés par les consultations citoyennes classiques comme la distance et les contraintes logistiques.

Leur utilisation est de plus en plus fréquente mais n’est pour autant que très faible et très récente. Bien qu’elles se présentent comme étant une solution concrète pour pallier le manque d’implication des citoyens dans la vie publique. Et à terme apaiser la défiance envers le politique.

Les consultations numériques sont portées par divers acteurs appartenant au domaine de la Civictech. Soit littéralement citoyenneté technologique. Ce domaine regroupe des entreprises ayant pour objectif de mettre en avant la démocratie participative depuis le début de la décennie précédente.

Le constat part d’un paradoxe, les utilisateurs de technologie (57% de la population mondiale utilise internet) ne cessent de croître. Mais les votants sont eux de moins en moins nombreux. De facto, l’utilisation de la technologie au service de la citoyenneté peut être une issue pour sortir de l’abstentionnisme.

Les civic tech peuvent créer un lien direct entre les élus et les électeurs. L’avis des citoyens peut être pris en compte sur divers sujets. Allant des constructions municipales, nom de rue ou aménagement d’un quartier. Les requêtes soumises par les citoyens leur permettent de devenir des acteurs à part entière de la vie publique.

L’ambition des civic tech est double celle de répondre aux enjeux technologiques de notre ère. En endiguant la vague d’abstention en la traitant par deux aspects.

Premièrement en rehaussant la confiance en la vie publique par plus de transparence dans les décisions politiques. En créant un dialogue direct avec les élus via des applications. Deuxièmement par l’implication, en utilisant les outils technologiques pour faciliter l’accès à la participation citoyenne.

Récemment, l’assemblée nationale a lancé une série de consultations citoyennes autour de divers thèmes sociétaux tels que l’écologie, la diffusion du sport et l’abstention. La pratique de la consultation publique numérique s’accroît. Les politiques comprennent la nécessité d’introduire plus de démocratie participative dans la vie publique.

Les civic tech restent une solution envisageable pour redéfinir la vie publique. Néanmoins l’utilisation de technologies citoyennes pour mener des élections ne sont pas encore envisagées. Aucun projet de loi ne va dans ce sens pour l’échange électoral de 2022 a annoncé le gouvernement. Il est cependant possible que la civic tech devienne à terme une norme permettant de changer le paradigme électoral actuel.